Peut-on vraiment classer les gens par génération ? Est-ce aussi simple ? La culture est-elle forcément la même quand on a le même âge ?
Vous avez déjà entendu parler des appellations de générations X, Y et Z, ou encore les baby boomers, les baby-bust, les milleniums. Bref, des cases sociologiques dans lesquelles les geeks comme moi doivent avoir du mal à se ranger. Je suis née en 1974. Mais dans ma famille, on est un peu décalé par rapport à ces générations. Ma mère, née en 1954, a connu les prémisses de l’informatique dans le cadre de son travail dès les années 80 avec les feuilles perforées.
Sinclair ZX 81
Alors que je n’avais que huit ans, elle a racheté à un de ses collègues geeks un Sinclair ZX 81. Avec, elle m’a donné un lecteur cassette, une petite télé noir et blanc et un manuel de 500 pages, avant de me lancer : « Tiens, amuse-toi ! C’est l’avenir ! »

Je n’avais pas de bureau à l’époque. Assise par terre dans ma chambre, j’ai branché tout ce matériel et passé des heures à recopier des lignes de code, ou à patienter devant les interminables chargements des cassettes. J’ai ainsi découvert le BASIC à un âge où la plupart des enfants n’avaient même pas de magnétoscope. J’ai eu la chance que ma mère ait un collègue toujours à la pointe des nouveautés, et qu’elle-même soit un peu geek… Après tout, c’est elle qui m’a initiée à Star Trek et à la SF en général.
À l’école primaire, nous avions un TO7 avec son célèbre crayon optique. À la récréation, nous avions plusieurs options : sortir dans la cour, aller à la bibliothèque, jouer de l’orgue ou rester en classe pour explorer l’ordinateur. J’aimais beaucoup l’orgue, mais encore plus l’ordinateur (cela ne m’empêchait pas de participer à une balle au prisonnier, un chat statue ou un tournoi de saut à l’élastique, je n’étais pas complètement sauvage non plus). Nous passions notre temps à déplacer une tortue en lui indiquant son chemin…

Amstrad CPC6128
Vers l’âge de douze ans, je suis passée à l’Amstrad CPC 6128. C’était une autre époque : toujours en BASIC, mais avec des disquettes au lieu des cassettes, ce qui permettait un chargement bien plus rapide. Tous ceux qui ont connu cet ordinateur ont encore en tête les commandes pour faire clignoter le BORDER ! Des heures de jeux avec mon cousin, on en a cassé tellement des joysticks…
C’est aussi là que j’ai commencé à m’amuser avec la programmation. J’écrivais des petits programmes interactifs : mon ordinateur me posait des questions (input), je répondais, et en fonction de ma réponse (if), il affichait un message (print). C’était « basique », comme son nom l’indique, mais très formateur.
Je ne parlerai pas de la disquette COPY DISK, qui a fait de moi un baby pirate à l’âge de 12 ans…

Au collège, nous avions des MO5 en cours d’EMT (Éducation Manuelle et Technique). Une semaine, nous faisions de la cuisine, l’autre, du travail du bois… et puis venait enfin le jour de l’informatique ! Je me souviens d’un exercice où nous devions créer une publicité. J’avais dessiné une plage avec le slogan « Bounty, le goût du paradis », en référence à la pub de l’époque. Ce fut mon premier et unique pixel art… Malheureusement, aucune sauvegarde n’existe de cette œuvre.

Amstrad PC1512
J’ai ensuite eu un Amstrad PC1512 avec un système d’exploitation, des disquettes 5 pouces 1/4 et je m’en servais à la fois pour jouer (jeux de rôles) et pour écrire. Ensuite, passage musique avec un Amiga qu’on m’avait prêté branché sur mon synthé, puis sont venues les consoles… Des heures de Mario Kart à la MJC de Jouarre avec mes potes.
À la fac, j’ai acheté ma première PlayStation 1 et découvert un nouveau monde. Je passais plus de temps à écrire pour un magazine de jeux vidéo que dans mes cours de linguistique. Rapidement, j’ai commencé à écrire des tests et des astuces de jeux sous le pseudonyme Miss Tips pour Consoles News. À l’époque, je récupérais les cheat codes sur Minitel, car les sites web n’en étaient qu’à leurs balbutiements et nous recevions encore tous les communiqués de presse et les images sur CD.
Petit à petit, j’ai commencé à m’intéresser aux maquettes sur XPress et, grâce au maquettiste du magazine pour lequel je travaillais, j’ai intégré une autre boîte de presse : Edicorp (ex-Future France). J’y ai travaillé pendant un an sur les CD-ROM accompagnant les magazines informatiques. Je téléchargeais les démos avec GetRight et créais des interfaces avec Director.
Peu de temps après, j’ai acheté mon premier PC, assemblé rue Montgallet, et me suis lancée dans la création de sites web avec Dreamweaver. Parmi mes premiers projets, un site sur Goldorak et un autre sur Mylène Farmer. J’ai même réalisé un intranet de gestion de stock pour la boutique d’informatique où j’avais acheté mon PC, lié à une base de données Access.
C’est là que j’ai rencontré le premier amour de ma vie, il s’appelait… : Photoshop. Il fallait sept disquettes pour l’installer ! J’ai ensuite commencé à traduire des tutoriels pour Computer Arts. Après 9 ans chez Future, j’en suis partie rédactrice en chef pour des aventures plus riches encore : formatrice en PAO, réalisation de DVD de formation sur Photoshop et la photo, écriture d’articles pour des mag et des sites, etc. Me voici depuis 15 ans chez Oracom, toujours rédactrice en chef.
Aujourd’hui, mon neveu appartient à la génération Z. Mais que sait-il réellement des nouvelles technologies ? Il joue sur sa console, sur son iPad, regarde des vidéos sur YouTube… mais il ignore tout de ce qui se cache derrière. Pour lui, c’est une vitrine opaque.
On qualifie souvent ces jeunes de geeks, mais tout le monde l’est-il devenu ? Nous allons tous voir les Marvel au cinéma, nous avons tous un ordinateur ou un smartphone. Pourtant, quand il s’agit de changer la vitre d’un iPad, ajouter de la ram, ou installer/désinstaller un programme, Who You Gonna Call ? 🤓